Attentats du 13 novembre à Paris : les larmes de Salah Abdeslam sont-elles une stratégie défensive ?


Le graphique montre Salah Abdeslam dans une salle d'audience le 13 avril 2022, le principal suspect, debout lors d'une audience dans l'affaire des attentats de novembre 2015 à Paris.



Salah Abdeslam, le "dixième homme" des attentats du 13 novembre à Paris et sa banlieue de Saint-Denis, suscite la polémique en France en changeant le ton de sa rhétorique et en demandant pardon aux victimes. Le brusque revirement d'Abdeslam neuf mois après le début de son procès a suscité des interrogations sur la réalité de ses intentions : est-il un "combattant de l'Etat islamique" ou un accusé troublé demandant pardon à toutes les victimes ? Lors du procès pénal du 8 septembre 2021, le discours d'Abdeslam a été dominé par un ton vengeur. "J'ai abandonné toutes les professions pour devenir un combattant de l'État islamique", a déclaré fermement l'homme barbu dans sa chemise noire.

Mais le 15 avril 2022, il parle d'une voix calme et tremblante et des larmes coulent sur les joues du seul survivant du groupe armé qui a tué 130 personnes à Paris et Saint-Denis. Dans sa "dernière chance" de s'exprimer, le Français de 32 ans a déclaré avoir renoncé à faire exploser sa ceinture explosive "pour des raisons humanitaires". Il a demandé aux victimes de "le haïr avec modération".

Ses avocats, Olivia Ronen et Martin Fitz, ont déclaré que "ce procès lui a permis de briser le préjugé que nous avions sur lui et qui s'était enraciné pendant les six années de silence". Abdeslam est resté silencieux pendant presque toute la durée de l'enquête, a repris la parole dès les premières séances et il a parfois fallu couper le micro pour le faire taire. Salah Abdeslam en a profité pour dénoncer ses conditions de détention car « nous sommes traités comme des chiens » ou pour justifier les attentats. "Nous avons attaqué la France, nous avons ciblé la population", a-t-il dit, mais il n'y avait "rien de personnel. Ces terroristes sont mes frères". Le président a coupé le micro à plusieurs reprises.

L'accusé s'est montré provocateur et grossier en proposant au président du tribunal de "faire une pause" ou en se décrivant comme "sensible". En quelques mois, Abdeslam n'a cessé de parler et a adouci ses propos. Aux questions du tribunal dans la salle toujours pleine à craquer, ses réponses ont été brèves lorsqu'il a évoqué sa "vie simple" passée. "Je ne dansais pas", a déclaré le jeune délinquant de Molenbeek à Bruxelles, où il fréquentait les casinos et les boîtes de nuit. Dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, il portait une ceinture explosive qui n'a pas detonné. Dans une lettre retrouvée par les enquêteurs et qui lui est attribuée, il confirme vouloir "rejoindre le reste de mes frères" et mourir en "martyr", mais sa ceinture explosive a mal fonctionné.

Il est resté en fuite pendant quatre mois, bien qu'il ait été déclaré dangereux, et ses photos ont été publiées en continu dans toute l'Europe. Mais sa poursuite a n'pris fin que le 18 mars 2016, et il a été interpellé dans le quartier « Cater van » de la région de Molenbeek de la capitale belge, trois jours après un échange de coups de feu avec la police de Bruxelles. 


D'après son profil, Abdeslam semble être un petit délinquant. Il a été condamné dix fois pour avoir commis des infractions au code de la route, des actes de violence ou une tentative de vol en 2010 avec son ami d'enfance Abdelhamid Abaaoud, devenu le coordinateur des attentats du 13 novembre. Les voisins disent qu'il aimait les grandes fêtes, buvait de l'alcool, fumait, allait au casino et avait souvent des "copines". Il ne travaillait pas, mais traînait plutôt dans les cafés, notamment celui de son frère aîné Ibrahim, qui faisait partie des tireurs aux balcons des restaurants parisiens. Il avait l'habitude de prier parfois mais pas aux bons moments. Depuis fin 2014, il a commencé à parler de la Syrie, et a proposé à sa fiancée de s'y rendre. Mais elle ne l'a pas pris au sérieux car il a passé "les trois quarts de sa vie" dans des boîtes de nuit.

Mais ses proches ont remarqué que les deux frères, Abdeslam, ont entamé le "voyage de l'État islamique". Ils ont arrêté de boire de l'alcool et se sont intéressés à la religion. Au bar que tient Ibrahim, ils se retrouvent pour regarder des vidéos djihadistes et des "appels à la guerre". En janvier 2015, la police signale la volonté d'Abdeslam de partir. En février, il a été convoqué au poste de police pour parler d'Abd al-Hamid Abaaoud, parti pour la Syrie. Il a dit qu'il était un "mec sympa", soulignant qu'il ne l'avait pas revu depuis longtemps. La même année, ses voyages à travers l'Europe s'intensifient, en Grèce début août, puis en Autriche et en Hongrie, traversées par des foules de réfugiés fuyant la Syrie.

Sa mission exacte reste un mystère. Il n'en a parlé qu'une seule fois, juste après son arrestation. "J'ai voulu me faire exploser au Stade de France, mais j'ai renoncé", a-t-il déclaré, mais les enquêteurs pensent que sa ceinture explosive était défectueuse. "J'aimerais être l'un des martyrs (...) Je veux juste être mieux préparé pour l'avenir", écrit-il dans une lettre qui lui est attribuée. Lors de son procès en Belgique où il a été condamné à 20 ans de prison pour un échange de coups de feu avec la police avant son arrestation, il est apparu comme un islamiste convaincu, ainsi que lors de son procès en France à partir du premier jour du 8 septembre.

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