Tour de France femmes 2023 : "Il faut se cacher, trouver un endroit à peu près adapté, avec un peu d'intimité"... Les pauses pipi, le casse-tête du peloton

 

Alors qu'elles passent des heures sur un vélo et qu'elles absorbent des litres d'eau quotidiennement, les coureuses doivent anticiper les pauses toilettes et combiner leurs arrêts avec un temps calme de la course.

"Motif de la sanction : comportement inconvenant ou déplacé (uriner en public). Amende : 100 francs suisses [104 euros]". Cette sanction, attribuée par les commissaires de la course et tombée dimanche 23 juillet à l'issue de la première étape du Tour de France femmes, a été donnée à la Néerlandaise Karlijn Swinkels, de l'équipe Jumbo-Visma. Cette sanction vient rappeler que le sujet des pauses pipi n'est pas anodin chez les coureuses, dont les arrêts sont bien moins évidents à organiser que chez leurs homologues masculins. Un élément à prendre en compte alors que le peloton de la Grande Boucle se lance, mercredi 26 juillet, dans l'étape la plus longue du Tour, avec 177,5 km entre Cahors et Rodez.    

Pour répondre à ce besoin essentiel, les coureuses n'ont guère d'autres choix que de s'arrêter. "On ne peut pas faire comme les hommes, qui peuvent parfois se soulager sans descendre du vélo. Nous, c'est impossible. Il faut un peu se cacher, trouver un endroit à peu près adapté, avec un peu d'intimité", résume Séverine Eraud de l'équipe Cofidis. Toute la difficulté réside dans le fait de mixer le lieu et le bon timing.

"Il faut bien choisir son moment. Forcément, si nous voulons nous arrêter à tel endroit, et qu'il s'agit d'un endroit propice aux attaques, le peloton ne va pas s'arrêter juste pour nous."

Juliette Labous, leader de la DSM-Firmenich 

À franceinfo: sport

La plupart du temps, les arrêts correspondent donc "à des temps de flottement, où il ne se passe pas grand-chose, et où on ne prend pas d'énormes risques", explique Morgane Coston (Cofidis). "Généralement, poursuit Juliette Labous, je demande dans l'oreillette au directeur sportif si ça serait ok de s'arrêter dans les prochains kilomètres, car ils ont une bonne vision de la course. Puis, on va demander un peu aux autres équipes, aux autres leaders si certaines veulent s'arrêter. Ensuite, il faut aller devant le peloton pour signaler qu'on s'arrête. Ainsi, il y a généralement une forme de respect des autres équipes qui n'attaquent pas à ce moment-là."

Un code d'honneur entre les coureuses

À l'image du peloton masculin, un code d'honneur est ainsi respecté chez les coureuses. "Normalement, quand les leaders s'arrêtent, les autres peuvent s'arrêter aussi. Il n'y a pas d'accélération à ce moment-là. Il n'y a pas d'ambiguïté", remarque Gaël Le Bellec, directeur sportif de Cofidis. 

"On n'attaque pas pendant la pause toilettes, comme on n'attaque pas non plus lors d'une grosse chute. Ce sont des choses qui ne sont pas forcément dites, mais qui vont de soi et qui ne sont pas trop acceptées si elles ont lieu."

Severine Eraud, coureuse chez Cofidis 

À franceinfo: sport

Si ce code est généralement respecté, il arrive que certaines le brisent. Comme récemment, lors de la Vuelta début mai, où la leader néerlandaise Demi Vollering a perdu le maillot rouge, et la victoire finale, après une attaque de l’équipe d'Annemiek van Vleuten (Movistar), vainqueure du Tour de France l'an passé, alors que Vollering effectuait une pause pipi.

Perdre le moins de temps possible

Après le moment et l'endroit propice identifiés, il faut se déshabiller et se rhabiller rapidement. "Je suis assez rapide pour me déshabiller. Il faut surtout faire attention à la radio que l'on a dans le dos, qui peut tomber. C'est ça le plus compliqué", relève Juliette Labous. "On commence à enlever le maillot un petit peu sur le vélo, et puis on s'arrête en mode cyclo-cross" [vite fait, dans le bas-côté], sourit Morgane Coston, coureuse chez Cofidis, en livrant ses astuces. 

Durant cette pause pipi, chaque seconde compte. "En général, je perds en moyenne entre quarante secondes et une minute", glisse Juliette Labous. Les coureuses doivent ensuite remonter sur le vélo, reprendre le fil de la course et rejoindre le peloton. "Théoriquement, on est encore dans la file des voitures suiveuses, ce qui nous permet de rentrer 'facilement'. Mais cela reste quand même un effort pour revenir", note toutefois Juliette Labous, leader de son équipe DSM-firmenich.

S'arrêter n'est toutefois pas une norme. "Dans mon équipe, elles sont nombreuses à ne pas s'arrêter, et elles ne s'arrêteront probablement jamais parce qu'elles ont trop peur de ne pas pouvoir revenir. C'est un risque, c'est sûr. Mais à mon sens, c'est quand même important de ne pas avoir la vessie pleine, surtout s'il reste trois heures de course, ce n'est pas optimal non plus pour la performance. Il faut trouver le juste milieu", développe Juliette Labous. 

Sur le Tour, des arrêts essentiels

Sur un Tour de France, avec huit étapes consécutives et des dépenses énergétiques très élevées, les arrêts toilettes s'imposent généralement d'eux-mêmes. "Lors du Tour, on boit beaucoup, il fait souvent très chaud donc tout cela rentre en compte", ajoute Juliette Labous. Mais ce qui est vrai sur le Tour, ne l'est pas forcément sur les autres courses. "Sur certaines compétitions, comme les Classiques de début de saison, qui sont très nerveuses, où ça roule à fond du début à la fin, je n'ose pas m'arrêter parce que ça serait trop difficile de reprendre la course", remarque Séverine Eraud. 

"Sur des courses à étapes, comme le Tour, c'est différent, car on enchaîne des jours de course, on boit beaucoup, donc on a plus de besoins."  

Séverine Eraud, coureuse de l'équipe Cofidis 

"Parfois, sur certaines grosses étapes, on n'a pas besoin de s'arrêter car on transpire tellement qu'au final, on n'y pense même pas. Mais le plus dur reste les étapes où c'est un peu plus tranquille", admet Juliette Labous. "Il y a des moments où c'est vraiment l'urgence, et se retenir nous fait mal au ventre, donc on n'a pas le choix", ajoute encore Morgane Coston. Certaines coureuses refusent parfois de perdre ces précieuses secondes, et décident d'uriner sur le vélo, ou simplement d'écarter le cuissard. Bien que cette solution soit utilisée, elle n'est pas la privilégiée des coureuses, puisqu'elle engendre des problèmes d'hygiène non négligeables. 

Pour faciliter ces pauses toilettes, les équipementiers sont sollicités pour créer des tenues plus faciles à retirer. "Il y a quelques années, nous avions un système de bretelles sur le cuissard, sous forme de clip, se souvient Juliette Labous. Ainsi, on pouvait simplement ouvrir le maillot, sans l'enlever et décrocher le petit clip et comme ça on pouvait baisser le cuissard. C'était vraiment pratique. Cette année, nous avons changé de modèle, mais j'ai posé la question à notre équipementier qui m'a assuré que le sujet est en réflexion. C'est un sujet très important et j'espère qu'il va se démocratiser plus largement au sein des marques de vélo." Une évolution logique qui va de pair avec le développement du cyclisme féminin.

 

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