les grévistes estiment qu'Emmanuel Macron "vient de remettre de l'huile sur le feu"
Les visages sont tantôt fermés, tantôt railleurs. Sous le chapiteau rouge de la CGT, tous observent Emmanuel Macron sur grand écran. Le député insoumis François Ruffin, venu sur le site de l'incinérateur d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) pour l'occasion, prend des notes. Seul un syndicaliste, provocateur, tourne ostensiblement le dos aux images du président. Pendant que le chef de l'Etat, invité du journal de 13 heures de France 2 et TF1, mercredi 22 mars, répond aux questions, les commentaires fusent. "Tu veux qu'on t'explique dans quel monde on vit ?", réagit un gréviste. "Il a oublié qu'après le deuxième tour, il a dit 'ce vote m'oblige' mais ça c'était avant", regrette un autre. Lorsqu'Emmanuel Macron demande "Est-ce que vous pensez que ça me fait plaisir de faire cette réforme ?", tous répondent d'une seule voix : "Oui !"
"Il est en train de diviser le pays"
Engrève reconductible depuis le 7 mars, ces salariés regardent l'interview du président, mais au fond, ils n'espèrent plus rien. A l'antenne, Emmanuel Macron dit vouloir "réengager" un dialogue avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail. "C'est pas demain la veille", lui répond-on à Issy-les-Moulineaux. Les yeux rivés sur le visage du chef de l'Etat, Simon Franco Ramos est déçu par le ton employé.
"C'est un simulacre de pédagogie, on n'est pas en maternelle... Parler à des enfants, c'est bien, mais on est des citoyens."
Simon Franco Ramos, 40 ans, gréviste
Ce salarié d'EDF, venu montrer son soutien aux salariés de l'incinérateur, est inquiet. "Je suis convaincu qu'Emmanuel Macron est en train d'enterrer la démocratie", assène-t-il, cheveux roux et bonnet enfoncé sur les oreilles. "Au bout d'un moment, on ne pourra plus vivre ensemble. Il est en train de diviser le pays." Lorsque le président évoque le Parlement, Simon Franco Ramos envoie une boutade à François Ruffin : "Monsieur le député, vous avez entendu, vous ne servez à rien !"
Le député insoumis François Ruffin et les grévistes de l'incinérateur d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 22 mars 2023. (MARINE CARDOT / FRANCEINFO)
Alors que le président estime qu'il faut "assumer les choix fiscaux" qui ont été faits, Emmanuel Macron est accusé d'être "le porte-parole du Medef". Au bout de cinq minutes, Philippe Gireaud s'éloigne du petit groupe, "écœuré". "J'ai écouté jusqu'au moment où il a dit que les syndicats avaient le droit de parler. C'est n'importe quoi, quand il nous reçoit, il présente sa réforme, on a le droit de rien dire", regrette l'élu du CSE du site d'Issy.
"C'est bien la seule bonne nouvelle"
Depuis l'utilisation de l'article 49.3 par Elisabeth Borne pour adopter le texte, tous l'assurent, ils sont encore plus remontés qu'avant. "Il parle de victoire, mais faire passer une réforme sans vote, je n'appelle pas ça un succès", estime Christian Chaumette, gréviste et élu syndical. Alain Auvinet, cheveux blancs et fine moustache, dénonce "cette manière d'avoir imposé la réforme, sans oser aller au vote". Depuis 35 ans, l'agent de maîtrise dans l'incinérateur travaille aux 3x8. En raison de la pénibilité de son métier, il aurait dû partir à la retraite au 1er avril 2025, à 57 ans.
"Mais avec la réforme, je me prends deux ans de plus, sauf que j'ai le corps qui me lâche, c'est une usure permanente. A 55 ans, on est l'équivalent d'un homme de 65 ans."
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