Les riches en France se portent bien, merci...
Il fait bon vivre en France pour les riches. Ils s’en sortent généralement bien après les crises - celle financière de 2008 comme la crise sanitaire actuelle. L’impôt ne les fait pas fuir tant que cela et ne les appauvrit guère. En vingt ans, leurs revenus et plus encore leurs patrimoines ont sensiblement augmenté même si le rythme a marqué le pas dans les années 2010. C’est ce qui ressort du premier Rapport sur les riches publié hier par l’Observatoire des inégalités, un organisme indépendant qui travaille depuis 17 ans sur ces questions.
Louis Maurin, le directeur de l’Observatoire des inégalités, et Anne Brunner, directrice des études, présentaient hier devant la presse le Rapport sur les riches en France. « Une première », ont-ils souligné, dans un pays où les études sur la pauvreté sont légion mais où l’on manque singulièrement d’éléments, notamment statistiques, sur les riches. Comme si la richesse, si mal portée en France, devait rester cachée... Ils ont toutefois rendu un hommage aux travaux des sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot et de l’économiste Thomas Piketty.
5,1 millions de riches
Première tâche pour les chercheurs de l’observatoire : définir un seuil de richesse, tout comme il en existe un pour la pauvreté. « Nous l’avons fixé, en termes de revenus après impôts, au double du niveau de vie médian, soit un seuil de richesse de 3 470 euros mensuels pour une personne seule. Mais cela peut se discuter, certains pouvant penser que c’est trop bas, d’autres trop haut. » Pour un couple, ce seuil est de 5 205 euros mensuels. Pour un ménage avec deux enfants, il atteint 7 287 euros.
Quelque 5,1 millions de personnes vivent au dessus de ce seuil de richesse, soit 8,2 % de la population. Autant que les personnes vivant sous le seuil de pauvreté - « pur hasard », soulignent les auteurs de l’étude. Une particularité pour les riches : leur grande hétérogénéité. Les 1 % les plus fortunés vivent ainsi avec un minimum de 6 650 euros par mois pour une personne seule et les 0,1 %, avec un minimum 14 800 euros par mois.
Des riches très riches
Pour illustrer le bonheur des riches à vivre dans un pays pourtant réputé pour la lourdeur de ses impôts, c’est en France que les riches sont les plus riches… si l’on excepte la Suisse. Selon les statistiques d’Eurostat, le niveau de vie minimum mensuel des 1 % de Français les plus « aisés » - pour reprendre la délicate catégorie de l’INSEE contournant le terme « riche » - est de 6 900 euros. Ici, nous devançons l’Allemagne et ses 6 500 euros, et le Royaume Uni avec ses 6 000 euros.
Loin du cliché d’un Etat qui assommerait les riches de taxes et les ferait fuir, ils bénéficient d’une évolution qui leur est favorable dans le temps. En 20 ans, de 1997 à 2017, le niveau de vie annuel des 10 % les plus riches a progressé de 11 664 euros constants. Certes, il s’est stabilisé dans les années 2010 mais grâce aux mesures d’Emmanuel Macron, on peut espérer qu’ils aient remonté la pente… Au fil de deux décennies, les écarts se sont creusés avec les plus pauvres : aujourd’hui en France, les 10 % les plus riches reçoivent un quart de l’ensemble des revenus après impôts
Une affaire de patrimoine
Mais la richesse ne se décline pas seulement en revenus. C’est aussi et même beaucoup une affaire de patrimoine. Et là encore en France, les riches se portent bien. L’Observatoire des inégalités a retenu un seuil de richesse qui est le triple du patrimoine médian, soit 490 000 euros. Quelque 4,6 millions des ménages possèdent davantage et ils sont 1,2 millions, soit 4 % des ménages, à la tête d’un patrimoine dépassant le million d’euros. Les 10 % les plus fortunés possèdent près de la moitié - 46 % - de l’ensemble des patrimoines des ménages.
Là encore, les plus « aisés » ont joui d’une bonne étoile. En vingt ans, le patrimoine minimum des 10 % les plus fortunés a très sensiblement progressé. Et dans les années 2010, il a bien mieux résisté que les revenus. La preuve : le nombre de personnes redevable de l’impôt sur la fortune a progressé de 22 % entre 2011 et 2017, année de sa disparition aux premières heures de l’ère Macron.
L’observatoire souligne combien ces patrimoines sont un levier dans la reproduction sociale, avec des enfants partant dans la vie avec une longueur d’avance et aussi grâce au jeu de l’héritage, favorable à la transmission en France. Mais les auteurs n’ont pas creusé le sujet, les données étant assez pauvres.
Chiffres indécents
Au « sommet du sommet », il y a bien sûr les ultra riches - patrons du CAC 40, stars de foot, de basket, de cinéma… - dont les revenus annuels représentent, tout en haut de l’échelle, des centaines d’années de SMIC, dont les patrimoines sont démesurés… Bernard Arnault, le patron de LVMH, a une fortune estimée à 70 milliards d’euros même après la crise de 2020 déclenchée par la pandémie du Covid-19. L’Observatoire des inégalités a calculé que cela équivalait a l’ensemble des logements d’une grande ville comme Toulouse…
Ces immenses fortunes, avec leurs chiffres indécents, sont mieux connues. Elles font régulièrement la une des magazines lorsque sort, par exemple, le classement Forbes des plus grosse fortunes du monde. L’un des mérites du rapport est de ne pas s’y attarder et d’aller au-delà, en ouvrant des pistes d’analyse sur ce qu’est la richesse en France, bien réelle et peu visible.
Ouvrir le débat
On trouvera dans ce rapport très riche, d’autres chapitres intéressants. Par exemple, un portrait robot des riches : des personnes plus âgées que la moyenne - 70 % ont plus de 50 ans -, retraités, cadres supérieurs, médecins, ingénieurs, cadres bancaires, experts comptables, conseillers financiers, hauts fonctionnaires… Ils vivent dans de grandes métropoles à commencer par Paris et ses arrondissements sélect, avec une prédilection pour le 7 ème, l’arrondissement de Rachida Dati, candidate LR à la Mairie de Paris. Mais on les trouve aussi dans des villes en région, à Cannes mais aussi à Mulhouse, Beauvais, Compiègne, Brive, Laval…
Les auteurs du rapport reconnaissent volontiers que leurs données sont parfois incomplètes et qu’il a fallut jongler avec les statistiques disponibles. « Il est difficile d’enquêter sur les riches qui libèrent plus difficilement l’information », souligne Louis Maurin qui regrette qu’un institut comme l’INSEE n’utilise pas de taux de richesse alors qu’il calcule un taux de pauvreté.
Pour l’Observatoire des inégalités, l’enjeu est d’apporter des connaissances, de nourrir la réflexion et d’ouvrir un débat trop souvent limité à l’ultra richesse. « C’est une forme de démagogie, souligne Louis Maurin, certes bien moins choquante que le discours anti-assistés ou anti-immigrés. Mais la question n’est pas de savoir si on aime ou on n’aime pas les riches, la question est d’analyser ». « Nous voulons réagir à une certaine faiblesse de la réflexion sur la distribution dans notre pays, poursuit-il. S’il doit y avoir un effort collectif de solidarité, il doit se faire en fonction des capacités contributives pas seulement d’une frange extrêmement étroite. Pour être légitime, l’effort collectif doit être réparti équitablement entre les catégories. »
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