La tentation de baisser les salaires
Avec la diminution de la prise en charge du chômage partiel, certains employeurs pourraient être tentés de réduire les salaires pour faire face à la crise. Mais en ont-ils le droit ?
Depuis le 17 mars, nombre d’entreprises ont été placées sous perfusion à travers l’activité partielle. Le dispositif a permis de protéger, au moins temporairement, des milliers d’emplois. Mais, avec la baisse progressive de cette prise en charge, certains employeurs sont tentés de demander à leurs salariés de baisser leurs salaires.
Et cela peut passer par des accords de performance collective, qui depuis les « ordonnances Macron » de 2017 ont déjà séduit des centaines d’entreprises. Ces accords se prêtent particulièrement bien à la crise actuelle, puisqu’ils peuvent permettre à l’entreprise de réduire temporairement la voilure afin d’affronter la tempête tout en gardant les compétences pour se tenir prêtes à rebondir. Mais les motifs de recours sont larges et les conséquences importantes pour les salariés.
Pourquoi en parle-t-on ?
Le groupe Ryanair (via Malta Air) compte diminuer de 10 % la rémunération de ses stewards et hôtesses de l’air et imposer du temps partiel à ceux qui sont au Smic. Et ce, pendant cinq ans. La direction a menacé, dans un mail, de
licencier 27 personnessi le syndicat majoritaire de l’entreprise en France
ne s’engage pas rapidement à accepter des baisses de salaires. Le ministre de l’Économie et la ministre du Travail ont tous deux dénoncé un
chantage. Bruno Le Maire a toutefois ajouté qu’il est souhaitable
qu’il y ait des accords d’entreprise de longue durée qui permettent depréserver l’emploi
L’entreprise a-t-elle le droit de baisser les salaires ?
Le salaire est un élément essentiel du contrat de travail. L’employeur ne peut donc pas y toucher sans l’accord du salarié, sauf en cas de difficultés économiques (par exemple une baisse de chiffre d’affaires durant deux trimestres consécutifs par rapport à la même période de l’année précédente, dans les entreprises de 11 à 49 salariés). Si le salarié refuse la baisse de son salaire, il pourra être licencié pour motif économique. Ce qui signifie, selon la taille de son entreprise, qu’il aura droit, par exemple, au Contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Ce dernier permet de toucher des allocations-chômage bien plus importantes que l’Allocation de retour à l’emploi.
Qu’est-ce qu’un accord de performance collective ?
Un accord d’entreprise ou de groupe peut aussi s’imposer au salarié. Issu des
ordonnances Macronde 2017, le dispositif d’accord de performance collective a pris la suite des accords de maintien de l’emploi et des accords de préservation ou de développement de l’emploi. Plus souple, il peut être conclu afin de
répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi.
Les motifs de recours sont larges et il n’est pas nécessaire de justifier de difficultés économiques. De même, rien ne dit explicitement que l’employeur est obligé de s’engager sur la préservation des emplois ou un retour à la normale une fois les difficultés passées. Tout cela est laissé à la négociation, puis à l’arbitrage du juge si un salarié conteste son licenciement.
Ces accords peuvent aménager la durée du travail, les conditions de mobilité professionnelle ou géographique mais aussi réduire la rémunération. Ils peuvent être à durée déterminée ou indéterminée.
Quelles conséquences pour le salarié ?
Les changements validés par l’accord se substituent au contrat de travail. Si le salarié s’y oppose, il pourra être licencié. Mais attention, ce ne sera pas pour un motif économique. Au chômage, l’ancien salarié ne pourra pas bénéficier du CSP et de ses avantages. Il devra se contenter d’un abondement de l’employeur (d’au moins 3 000 €) au Compte personnel de formation.
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